Journal Lire
par François Busnel (juillet-août 2004)

Comment est né le Poète ?
M.C. Je sortais d'une période très particulière: douze longues années de journalisme. Cette expérience m'a endurci et m'a rendu un peu cynique. J'ai alors eu l'idée d'écrire un polar qui prendrait à contre-pied les règles traditionnelles du genre: un polar où le criminel s'en sortirait. Cela a donné Le Poète: Robert Backus, agent du FBI et tueur en série. A l'époque, en 1996, j'ignorais que le Poète ressurgirait un jour. Pour moi, c'était le héros d'un seul livre. Mais les années ont passé et mon cynisme s'est apaisé. Harry Bosch vivait sa vie: dix romans, sur les quatorze que j'ai écrits... Mais, pour le quatorzième, Los Angeles River, j'ai décidé de reprendre l'histoire du Poète là où je l'avais laissée. Et de confronter ce tueur en série à Bosch.

L'inspecteur Hieronymus «Harry» Bosch est devenu l'un des flics les plus populaires du monde. Qui est-il exactement et comment est-il né ?
M.C. Les personnages sont, pour moi, plus importants que les histoires. A vrai dire, ce sont eux qui tirent les intrigues, et non l'inverse: c'est lui qui commence l'histoire et c'est lui qui doit la terminer. Si l'on part de ce principe, alors il faut impérativement soigner le caractère et le nom du personnage principal. On ne doit rater aucune occasion d'apporter des détails sur sa vie privée et, surtout, bien choisir son nom, qui doit être le reflet de ce qu'il pense. Lorsque j'étais étudiant, j'ai été ébloui par le peintre flamand Hieronymus Bosch: au XVe siècle, il peignait un monde qui avait perdu tout contrôle. Magique! Je suis convaincu que Le jardin des délices est d'une troublante actualité - surtout pour qui vit à Los Angeles. Longtemps, j'ai été obsédé par les tableaux de ce peintre. J'ai donc eu l'idée de créer, cinq cents ans après Bosch, un personnage qui traverserait ce même monde perdu dans le péché, le désordre et le chaos. Je ne pouvais pas nommer ce personnage d'un autre nom: Hieronymus Bosch. Il faut dire qu'aux Etats-Unis, le maître flamand est un total inconnu, hélas!

En va-t-il de même pour Backus, le Poète? Une allusion au dieu romain de la démesure...
M.C. Bien vu, mais un peu trop cérébral! Encore que... Pour Backus, j'ai plutôt joué sur la signification anglaise du mot «back»: celui qui est en arrière, tapi là où le mal rôde. Mais c'est aussi l'un des visages de Bacchus-Dionysos, non?

Pourquoi avoir fait de Bosch un flic obsédé par son passé, à la lisière du bien et du mal, dont on sent qu'il est capable de franchir la ligne à chaque enquête ?
M.C. Parce qu'un bon enquêteur doit d'abord enquêter sur lui-même. Bosch a un passé très conflictuel. Il a vécu de nombreuses tragédies personnelles: le Vietnam, sa mère prostituée assassinée...

Ce détail rappelle curieusement la biographie d'un autre grand du polar californien, James Ellroy...
M.C. En effet. Ellroy est un de mes maîtres. C'est à lui que j'ai pensé en créant cette situation. Tout comme Ellroy, Harry Bosch se pose la question suivante: «Mais qu'est-ce que je fais ici?» Il aurait peut-être pu devenir écrivain... Il s'est rendu compte qu'il possédait un véritable talent d'enquêteur. Mais ce qui le rend différent des autres flics, c'est qu'il a de l'empathie pour ceux qu'il rencontre. Chaque enquête le renvoie à lui-même. Et s'il parvient à résoudre une enquête, c'est précisément parce qu'il a cette capacité d'empathie, de passion.

Pourtant, de roman en roman, au lieu de progresser, Bosch s'enfonce dans la dépression, quitte la police de Los Angeles; puis, dans L'oiseau des ténèbres, l'espoir semble revenir, il devient un «privé», mais ses fantômes le tourmentent de plus en plus, jusqu'à cette confrontation avec le Poète...
M.C. Ce qui le fascine, c'est le prix qu'il faut payer pour faire ce boulot. Etre flic, c'est plonger dans les ténèbres. C'est vrai partout, dans tous les pays du monde, mais tout particulièrement à Los Angeles. Là est le danger: les ténèbres peuvent vous envahir et vous faire sombrer du côté des tueurs. Pour que Bosch devienne crédible, il fallait donc que les ténèbres entrent en lui. Bosch, à mes yeux, devait incarner l'opposition permanente et déchirante entre les ténèbres et l'espoir.

Michael Connelly, auteur de polars métaphysiques ?
M.C. Je n'aime pas les étiquettes. J'essaie d'écrire un roman à plusieurs couches, et pas simplement un divertissement. Je pense que le polar est le roman social d'aujourd'hui: il permet de faire les meilleurs commentaires sur la société, d'écrire des choses importantes qui ne se réduisent pas seulement à une belle histoire. Résumer le polar au divertissement est une erreur. Et d'ailleurs, les lecteurs ne cherchent pas seulement un divertissement dans le polar: ils savent que la nature même du boulot d'inspecteur permet d'aller n'importe où, de se promener dans tous les secteurs du monde, d'aborder tous les sujets de société. C'est cette dimension qui apporte une validité nouvelle au genre. Ce qui m'intéresse est moins le conflit entre le bien et le mal (il y a eu tant de superbes livres sur le sujet) que la zone grise qui se situe entre ces deux pôles antithétiques.

Justement, qui sont vos maîtres ?
M.C. Raymond Chandler, évidemment. Pour moi, Philip Marlowe est le plus grand de tous les flics. Mais également Joseph Wambaugh. Quand j'ai commencé les enquêtes de Bosch, je me suis demandé quel personnage Chandler et Wainbaugh auraient créé s'ils avaient vécu à Los Angeles aujourd'hui. Je dois aussi énormément à James Ellroy et à ses personnages.

Après votre premier roman, Les égouts de Los Angeles, vous déclariez que Bosch était le héros d'un seul livre. Vous publiez aujourd'hui sa dixième enquête! Etiez-vous conscient de sa trajectoire intellectuelle et affective en débutant cette série ?
M.C. Non. Je n'ai jamais pensé que je connaîtrais le succès en tant que romancier. Ce fut une surprise. Puis, quand j'ai constaté que le public attendait mes livres, j'ai eu un petit choc. Mais aujourd'hui je n'y songe pas: j'écris sans penser aux attentes du public, à partir de mes propres envies. L'idée de ce que vous appellez la «série» des Bosch n'est pas consciente: c'est venu au fur et à mesure, un livre après l'autre. Aujourd'hui, oui, c'est un fait, il y a une série des Bosch. Bon. Et alors? Cela ne m'inspire qu'une seule réflexion: la première chose dont il faut avoir conscience, dans une série, c'est la loi du changement: il faut que tout change à chaque livre, il est interdit de se répéter. Aussi bien pour le lecteur que pour l'écrivain, il faut que le personnage évolue. C'est ce qui crée la possibilité même d'un suspense: si votre personnage est figé dans des attitudes que le lecteur devine, vous courez à la catastrophe.

Cela ne va sans doute pas aller sans poser des problèmes: dans La glace noire, vous précisez qu'il est né en 1950... Le temps fait lentement son œuvre sur Harry Bosch...
M.C. Exact. C'est un problème. Il va falloir que je gère le problème de la vieillesse de Bosch. Attendez de voir ça!

Pourriez-vous... tuer Harry Bosch ?
M.C. Dans chacun des livres que j'écris, je lui fais subir des épreuves extrêmement dures et j'espère bien que son avenir proche ne se résumera pas à une balle... Mais qui sait!

Vous !
(Silence)

Quelle part d'autobiographie retrouve-t-on dans les tribulations d'Harry Bosch ?
M.C. Au début, Bosch n'avait rien à voir avec moi. Sans doute parce que je n'imaginais pas vivre quelques années en sa compagnie. J'ai écrit plus d'un million de mots sur ce personnage. C'est beaucoup. Et cela rend impossible ce qui était possible au départ, c'est-à-dire la distinction entre l'écrivain et son personnage. La ressemblance la plus importante, c'est qu'il a une petite fille de 4 ans et que ma fille a 5 ans. Mais je n'ai pas fait le Vietnam, ma mère n'était pas prostituée et n'est pas morte assassinée, si c'est ce que vous suggérez. Je ne crois pas non plus que sa dépression me ressemble. Je suis issu d'une famille nombreuse et je me suis marié très tôt: c'est sans doute pour cette raison que je suis intéressé par les solitaires comme Bosch. Aux Etats-Unis il y a toujours eu, du point de vue des lecteurs et de l'écriture, une fascination pour le héros solitaire contre le reste du monde. Le complexe de David contre Goliath est un grand trait de la littérature policière américaine. Bosch est donc une figure idéale: l'exagération de tous les traumatismes de l'Amérique contemporaine. Je n'ai pas connu moi-même toutes ces douleurs, mais tout le monde, aux Etats-Unis, a un proche ou une connaissance qui a subi l'un de ces traumatismes. Cependant, je ressemble à Bosch sur un point: j'ai de l'empathie pour les gens. Je peux les comprendre. C'est ce qui m'a poussé à écrire, à faire du journalisme puis des romans, à imaginer un personnage dont je n'avais pas vécu toutes les expériences mais dont toutes les expériences m'étaient familières par empathie.

Vous opposez, précisément, les «empaths» aux «morfos»: que voulez-vous dire exactement ?
M.C. Cette opposition surgit dans le roman lorsque deux agents du FBI tentent de comprendre ce qui fait la différence entre un bon et un mauvais flic. Les «morfos» ne sont pas exactement des mauvais flics, mais des policiers qui sont capables de voir en face toutes les horreurs auxquelles ils sont confrontés quotidiennement. Ils les prennent de face sans en être réellement affectés. Le mal n'influe pas sur leur qualité de flic. Les «empaths», au contraire, sont ces flics qui prennent l'horreur en eux-mêmes: ils trouvent, à l'intérieur de cette douleur qu'ils intériorisent, la passion qui alimentera leur désir d'aller jusqu'au bout d'une enquête. Je crois que le meilleur flic est celui qui sait trouver en lui les ressources pour aller au bout, pour ne pas lâcher. C'est le cas de l' «empath». Il faut comprendre qu'il existe une grande différence entre ce qu'un flic peut faire dans une affaire et ce qu'une affaire peut faire à un flic: les «morfos» travaillent sur une affaire, tandis que les «empaths» sont travaillés par l'affaire. Ce sont les «empaths» qui m'ont toujours fasciné, lorsque je tournais dans les rues de Los Angeles avec les policiers. Bosch est un «empath»: il se demande en permanence comment tenir pour ne pas sombrer lui-même dans les ténèbres où l'entraînent les affaires terribles qu'il doit traiter.

Cette opposition entre les «morfos» et les «empaths» peut également être lue comme une métaphore de l'opposition entre républicains et démocrates, non ?
M.C. C'est vous qui le dites! Les lecteurs américains semblent ne pas l'avoir remarqué, hélas! Mais j'y ai évidemment beaucoup pensé. Encore une fois: le polar est un moyen de faire passer un discours sur la société. Je cherche toujours, dans mes livres, ce qui me permettra de dépasser allégoriquement le niveau de la simple histoire. Depuis trois ans, les Etats-Unis ont beaucoup changé et je ne suis pas sûr que les Américains s'en rendent compte. Pas plus que les Européens, d'ailleurs.

Votre précédent roman, Lumière morte, était déjà très politique. Quelle est votre position sur les changements récents intervenus aux Etats-Unis ?
M.C. Dans Lumière morte, je voulais évoquer ces changements politiques. Sans Bosch. Dans Los Angeles River, mon propos est délibérément moins politique, mais je crois que je dois rester journaliste, quelque part, car je suis très sensible à la question des libertés civiles: depuis le 11 Septembre, elles ont été considérablement restreintes, pour ne pas dire supprimées. Mais ce problème est beaucoup plus compliqué qu'il n'y paraît. L'Amérique se trouve confrontée à un problème excessivement difficile à résoudre: comment assurer la sécurité des citoyens sans que la liberté de chacun ne s'en trouve restreinte? C'est une question pour les citoyens mais elle a, me semble-t-il, une répercussion du point de vue de l'écriture: en tant qu'écrivain, je ne peux laisser cette question de côté. Et, comme je ne suis pas un essayiste et que je n'ai nulle envie de le devenir, j'utilise mon arme: le roman policier.

Los Angeles River est un roman au suspense incroyablement dense, mais c'est aussi une belle réflexion sur le mal: après le 11 Septembre, George W. Bush a lancé une croisade contre ce qu'il appelait l' «axe du mal»; vous répondez en écrivant: «Le mal est toujours tapi et attend.» Quelle est votre définition du mal ?
M.C. Elle n'a évidemment rien à voir avec celle de Bush. Je ne veux pas dire que ceux qu'il désigne comme appartenant au présumé «axe du mal» ne sont pas le mal. Je veux dire que je ne crois pas en un «axe du mal». Ce qui m'intéresse, dans la question du mal, c'est l'aspect social et non politique. Je crois que le mal existe, mais je ne crois pas qu'il soit ce que Bush désigne au peuple, c'est-à-dire une espèce d'énergie qui flotterait un peu partout. Le mal a des racines. Il naît à un âge très tendre. Sur ce point, les philosophes et les politologues vous renseigneront bien mieux que je ne saurais le faire. Je m'intéresse à la confrontation de l'inspecteur qui est sur le terrain et se coltine au mal, pas à ceux qui dissertent dessus. Le mal est une donnée de base. Que peut-on faire pour lutter contre cela? Voilà ce qui me préoccupe.

Los Angeles River s'ouvre sur une charge terrible contre l'idée de vérité: «Jamais la vérité ne libère. Pas plus qu'elle ne guérit, la vérité ne sauve.»
M.C. Les propos d'ouverture du livre sont une façon d'éclairer et d'annoncer le voyage sombre que le lecteur devra accomplir en compagnie de Bosch. En ce qui me concerne, je me confronte à la vision noire de mon personnage et tente de lui apporter, au fil de son enquête, un peu de l'espoir qui m'anime. Il arrive que les thèses de Bosch me contaminent, je le reconnais. Mais, dans ce roman, j'ai voulu le sortir du cynisme dans lequel je l'avais plongé. Bosch trouve la rédemption dans le regard de sa fille. Je ne suis pas si loin de cette situation.

Ce quatorzième roman, Los Angeles River, apparaît comme le livre de la synthèse: le retour du Poète, d'Harry Bosch, mais aussi de nombreux personnages secondaires des précédents romans: McCaleb, Rachel Walling et d'autres encore... Pourquoi ?
M.C. J'aime bien ce mot: «synthèse». C'est en effet ce que je voulais entreprendre. Chronologiquement tous mes livres font partie de la même toile: dans chacun d'entre eux, je me sens le droit d'ajouter des détails et d'aller rechercher des personnages laissés sur le bord de la route.

Comment écrivez-vous vos romans ?
M.C. Je me lève tous les jours à quatre heures du matin et je commence par réécrire entièrement ce que j'ai rédigé la veille: je me relis et je réécris. Tous les jours. Parce que je n'ai pas envie que mes livres soient évidents: ce que je sentais être, la veille, trop évident se confirme souvent le lendemain matin et je le change aussitôt. Mais tout le problème, quand on écrit un livre, c'est l'élan. Il s'agit de l'avoir et de le garder tout au long de la phase d'écriture. Lorsque je commence à écrire, la mise en route est toujours très lente. Il n'est pas inhabituel de me voir travailler seulement deux ou trois heures par jour. J'utilise alors très souvent cette astuce, efficace: je m'oblige à ne pas finir une phrase.

Tiens! Pourquoi cela ?
M.C. S'arrêter au milieu d'une phrase, lorsqu'on ne se sent pas encore complètement lancé, vous pousse, le lendemain, à la terminer par une sorte d'évidence naturelle. Ce qui fait que, petit à petit, il y a quand même des pages qui s'accumulent, puis des chapitres, et, à ce moment-là, l'élan commence à se créer. Puis tout cela se rassemble et l'on touche la masse critique! Là, je peux très bien écrire quinze ou seize heures par jour. Ce sont des phases qui peuvent durer un ou deux mois. Pour moi, c'est le paradis: tout marche, tout fonctionne. Je me sens dans un état proche de la grâce.

Vos constructions sont toujours impeccables et implacables. Faites-vous un plan ?
M.C. Jamais. Je ne prépare pas l'histoire que je vais mettre sur le papier. Au contraire! Une histoire ne peut commencer que si j'ai les personnages.

Où puisez-vous votre inspiration ?
M.C. Précisément: dans le tempérament des personnages que je crée. J'ai parfois quelques éléments d'histoire, bien sûr, mais l'histoire est toujours secondaire.

Quelles sont les règles d'un bon suspense ?
M.C. Pour réussir à créer un bon suspense, il n'y a qu'une seule règle: le travail. Il faut travailler, c'est-à-dire réécrire sans cesse. Couper. Couper. Couper. Il faut prendre une idée, celle qui vous agite au départ, et la changer. Lorsqu'on commence à écrire un polar, le grand danger est que le livre souffre d'évidences. C'est la raison pour laquelle, chez moi, les réponses se trouvent moins dans les histoires que dans les détails. Et que je camoufle le plus possible chaque détail.

Comment camoufle-t-on les détails ?
M.C. Pour cela, l'écrivain possède tout un arsenal: le dialogue, la fausse piste... Au lecteur de deviner. L'écrivain ne doit pas s'attacher aux attentes du lecteur mais, à l'inverse, s'attacher au fait que le lecteur s'exclame, à la fin du livre: «Bon sang, bien sûr... c'était là, sous mes yeux, tout au long de l'histoire! Comment ne m'en suis-je pas aperçu?»

Les enquêtes d'Harry Bosch sont écrites successivement à la troisième puis à la première personne du singulier: pourquoi ce changement ?
M.C. C'est une évolution qui n'est pas terminée, puisque le prochain Bosch, que je suis en train d'écrire, sera à la troisième personne et non plus à la première. Les grands classiques du détective privé sont tous écrits à la première personne, c'est pour cette raison, purement littéraire, que j'ai abandonné le «il» pour le «je», au moment où Bosch quittait la police de Los Angeles pour devenir un «privé». J'ai découvert, en écrivant à la première personne, que l'on ne pouvait plus rien cacher au lecteur sans tricher - et le tricheur se fait toujours prendre. Cela m'a forcé à entrer très profondément dans la tête de Bosch. Au point que cela m'a épuisé. C'est peut-être parce que cette expérience m'a dérangé que je reviens à la troisième personne, plus neutre, où l'on peut plus facilement retenir les choses et, en particulier, mettre une couche de mysticisme - ce qui est impossible dans une écriture à la première personne.

Vous n'êtes pas seulement un écrivain de polars, mais encore un formidable travel writer: vos descriptions de Los Angeles, des quartiers les plus sombres aux villas les plus somptueuses, sont uniques. Qu'est-ce qui vous attire tant dans cette ville ?
M.C. Voilà bien le seul compliment qui me touche. Mes histoires sont souvent sombres, pétries de cynisme, et c'est pour cela que je contrebalance en les situant dans un endroit magnifique: Los Angeles. Tous mes livres sont une seule et grande lettre d'amour à Los Angeles. Cette ville est belle parce qu'elle a été souillée: je suis fasciné par cette autre contradiction que porte la cité, entre la beauté et la tache. Toute beauté, à L. A., naît de la laideur. Les couchers de soleil y sont extraordinaires parce que le smog y est omniprésent et les sublime. Et puis, il y a autre chose, de plus cérébral. Los Angeles est un terminus: la ville où l'on vient avec tous ses espoirs. Il y a plus de gens, à Los Angeles, qui y sont venus que de gens qui y sont nés. Très peu d'entre eux réussissent, mais ceux qui échouent gardent toujours en eux une parcelle d'espoir.

Pourtant, vous avez quitté la Californie pour la Floride... Allez-vous continuer à écrire sur Los Angeles ?
M.C. J'ai éprouvé le besoin de faire le point. Mais Los Angeles est dans ma tête, dans mon âme, dans mes veines. Ecrire sur L.A. sans y vivre est pour moi une façon de sauvegarder cette ville. Cela dit, je ne crois pas que mon séjour en Floride puisse être éternel... Los Angeles m'appelle...

 


Contact webmaster

Site officiel de Michael Connelly
www.michaelconnelly.com