Los Angeles Times
26 juin 1994

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Tout d'abord, quelle signification ont ces deux épisodes perdus de la vie d'Harry ?
MC : Et bien, il se pourrait qu'ils n'aient aucune signification. S'ils étaient perdus, alors ils ont été délibérément perdus. Il n'a pas semblé à mon éditeur, MP, ni à moi-même qu'ils devaient être inclus, au final, dans les romans. Par conséquent, je pense qu'ils pourraient être seulement significatifs dans le sens où si vous êtes un lecteur qui s'intéresse au personnage d'Harry Bosch, alors vous pourriez être intéressé par les épisodes précédents de sa vie qui ont contribué à former l'homme ou le personnage qu'il est dans les romans. Nous sommes les sommes de nos expériences - cela est aussi valable pour les personnages de fiction. Connaître quelques unes de ses expériences passées m'aide à formuler le personnage présent d'Harry. Parfois le passé se trouve dans les livres. Parfois il est imaginé et écrit mais en fin de compte, je ne le mentionne pas. Je n'ai pas de scrupules à retirer ces deux épisodes des livres. Mais je continue à les aimer quand même. Après tout, je suis un écrivain et mon ego me dicte que j'aime ce que j'écris !

Reprenons-les dans l'ordre. L'épisode "1961" se déroule dans un centre de placement juvénile où Harry, âgé de onze ans, fut placé après qu'il fut retiré de la garde de sa mère que l'on jugeait inapte. Le roman Le dernier coyote concerne le meurtre de la mère d'Harry et son enquête environ trente ans plus tard. Pourquoi vouliez-vous, au début du moins, commencer le roman avec cette scène dans le centre de placement juvénile.
MC : Cela n'est pas mentionné explicitement mais ce fut la dernière fois qu'il vit sa mère. À l'évidence, cela resterait un moment significatif de sa vie. De fait, au début, je voulais juste créer cette scène et montrer deux choses : que sa mère travaillait dur pour le récupérer et malgré la triste situation dans laquelle elle et lui se trouvaient, il aimait sa mère, quoi qu'il arrive. Je pensais que montrer cela aiderait le lecteur à comprendre pourquoi le meurtre irrésolu de sa mère hanterait Harry jusqu'à ce qu'il le dépoussière et mène sa propre enquête. Néanmoins, des moments de cette scène furent mentionnés ou présents dans l'esprit de Harry dans les derniers passages du livre et j'ai pensé que retirer le prologue plongeait le lecteur dans le moment présent plus rapidement et plus en douceur tandis que ce sentiment était exprimé plus tard.

Et concernant "1965" ? Etait-ce que cela a toujours été en fait un chapitre ou une section de L'envol des Anges ?
MC : Non. J'ai arrêté d'écrire le livre à peu près vers le milieu et j'ai écrit "1965" sans savoir s'il y aurait une place pour ce chapitre. Le livre, en étant avant tout un roman policier, est aussi une petite méditation ou une rumination sur le racisme et les relations raciales. Alors que j'écrivais le livre, je me suis aperçu que Harry faisait des remarques sur le racisme et les relations interraciales ; j'ai également réalisé que ce serait bien de savoir d'où il venait et comment il en venait à tirer de telles conclusions. Alors j'ai décidé d'arrêter l'écriture de ce livre et juste d'écrire une histoire dans laquelle Harry était confronté au racisme pour la première fois. J'ai toujours été fasciné par la manière dont les familles transmettaient les us et les coutumes - à la fois bonnes et mauvaises. Si vous grandissez dans une maison où le seul soda servi est du Coca-Cola, alors il y a de bonnes chances pour que vous soyez un consommateur de Coca-Cola - en opposition à un consommateur de Pepsi-Cola - lorsque vous serez adulte. Si vous grandissez dans une maison où vos parents utilisaient le mot " nègre" alors il est fort probable que vous l'utiliserez aussi et que vous le transmettrez peut-être à vos propres enfants. Je voulais écrire une histoire dans laquelle Harry vivrait cette expérience mais serait capable d'échapper à l'emprise qu'elle avait sur lui. Je voulais aussi introduire un petit coup de théâtre et créer une situation où il devait anticiper ses propres actions pour savoir si elles étaient subtilement racistes - comme justement il le fera plus tard dans l'affaire L'envol des Anges. Par conséquent, écrire "1965" me fut très utile pour écrire L'envol des Anges même si je savais que la mémoire du passé de Harry ne pourrait pas être mentionnée dans le livre.

Des projets pour d'autres épisodes "perdus" ?
MC : Je pense que c'est un bon exercice alors je compte le faire fréquemment. J'ai esquissé quelques écrits que j'aimerais développer et qui pourraient finir dans un livre mais qui n'y finiront pas. Une de ces histoires se passe en 1968 avec Harry dans les tunnels du Vietnam. L'autre se passe en 1969. C'est l'histoire de Harry de retour du Vietnam à Los Angeles le même jour que les meurtriers Manson. Elle évoque une époque étrange à Los Angeles - ne le sont-elles pas toutes ? - et les raisons pour lesquelles il choisit d'être flic.

© Michael Connelly

 


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